Préserver sa santé mentale dans le monde digital
Avec Marie Gagné
Par Margot Duga
15 avril 2024
@phimophoto
Marie Gagné, créatrice de contenu montréalaise, nous partage de précieux conseils afin de préserver sa santé mentale sur les réseaux sociaux. En mettant en avant l'importance de conserver un jardin secret et de s'imposer des limites, Marie nous fait part des stratégies qu'elle utilise pour éviter de se perdre dans les abysses du "scrolling". Elle souligne également l'impact toxique qu'une exposition constante à des normes irréalistes peut avoir sur notre perception de nous-même.
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En tant que créatrice de contenu active sur les réseaux sociaux, tu partages régulièrement des aspects de ta vie personnelle et professionnelle. Comment gères-tu le stress et la pression liés à cette exposition constante ?
Je crois que tout est une question de balance. J’ai appris au fil du temps à garder un jardin secret, et c’est sincèrement ce qui me sauve au quotidien. Il y a quelques années je ressentais cette pression de partager toutes les parcelles de ma vie sur les réseaux, c’est comme si je me devais de tout dire à mon audience. Plus j’avance, plus je me rends compte que même en possédant une plateforme, on peut décider de filtrer ce que l’on met en avant. Je ne ressens plus cette pression parce que je me trouve actuellement dans une phase de ma vie où je me sens réellement bien. Pour moi, savoir se fixer une certaine limite, c’est une grande marque d’amour-propre.
Que penses-tu de l'idée d'aborder ouvertement ta santé mentale sur les réseaux sociaux ? Est-ce que c'est quelque chose qui devrait plutôt rester privé ?
J'avais déjà mentionné que je souffrais d'anxiété et de dépression sur mes plateformes, et je me rappelle à quel point la réponse avait été extrêmement positive. Les gens m'écrivaient pour me dire que cela leur faisait du bien de voir qu'iels n'étaient pas seul.es dans cette expérience. Je crois que partager une certaine vulnérabilité avec son public peut être bénéfique des deux côtés. Ce que j'ai appris récemment, c'est que la vulnérabilité n'équivaut pas à l'intimité. Malgré le partage de moments difficiles, j'ai quand même fait le choix de garder des informations que je considérais comme personnelles.
Est-ce que tu trouves que le temps passé sur les réseaux affecte ta perception de soi ?
Absolument. Je crois fermement que le cerveau humain n'est pas conçu pour traiter autant d'informations et d'images à une telle vitesse. Il est donc clair qu'une exposition constante à des normes absolument inatteignables et irréalistes peut avoir un effet très toxique sur notre perception de soi. En revanche, à ce stade de ma vie, je n'ai plus le réflexe de me comparer aux autres, et je considère les réseaux sociaux davantage comme un travail que comme un moyen de me divertir. Une fois que j'ai posté mon contenu, j'essaie de ne pas me perdre dans l'abysse du "scrolling", ce qui pourrait justement altérer ma perception de moi-même.
Être une figure publique implique parfois le fait d'être exposée à des commentaires négatifs. Comment protèges-tu ta santé mentale face aux personnes malveillantes ?
Je dirais que, de manière générale, j’ai une communauté vraiment bienveillante. La plateforme sur laquelle je reçois le plus de “hate” est TikTok. Avec son algorithme un peu plus aléatoire, mon contenu est exposé à un public non ciblé qui peut parfois se révéler homophobe. Cependant, cela ne m’affecte plus autant qu’avant, car je me suis développée un certain “bouclier”. La plupart du temps, je supprime les commentaires malveillants, non pas parce qu’ils m’affectent, mais pour protéger les jeunes qui pourraient tomber sur ces commentaires (même s’ils ne leur sont pas directement destinés).
Les médias sociaux peuvent parfois entraîner une surcharge d'informations. Comment réussis-tu à maintenir une relation saine avec les réseaux, tout en évitant l'épuisement numérique et en préservant ton bien-être mental ?
Il est nécessaire de s’imposer des limites. Notre téléphone est toujours à portée de main et c’est probablement la source de dopamine la plus accessible. En m’offrant du temps hors des réseaux sociaux, c’est extrêmement thérapeutique. Ça me procure l’inspiration dont j’ai besoin et ça me fait apprécier mon métier davantage !
Est-ce que tu as des rituels ou des activités spécifiques pour décompresser et te ressourcer en dehors des réseaux ?
À cause de la pandémie, j'avais malheureusement développé une addiction à mes écrans, et pour m'en défaire, je me suis procurée (attachez vos tuques), ce qu'on appelle une “prison à téléphone". C'est sincèrement le meilleur achat que j'ai fait. C'est une petite boîte avec un cadenas numérique, où tu peux choisir le temps pendant lequel ton téléphone sera prisonnier, et une fois le chronomètre terminé, la boîte s'ouvre. Je l'utilise encore de temps en temps quand je sens que je dois être productive sans aucune distraction, et j'adore ça. C'est quand même un peu triste qu'on en soit arrivé là dans cette ère technologique, mais ça fonctionne bien.
Pour conclure, quels conseils donnerais-tu à ta communauté pour prendre soin de sa santé mentale ?
Le meilleur conseil que je puisse donner à qui que ce soit est de prendre du temps «off screen». En prenant du recul et en te détachant de cette “fausse réalité” que les réseaux sociaux peuvent parfois créer, tu vas rapidement te sentir nettement plus léger. Ta esprit et ton cœur vont te remercier !